Alternance Démocratique au Congo : la Jeunesse Gagne une Gataille, mais le Combat continue
En date du 30 Décembre 2018, les congolais sont allés en masse dans les bureaux de vote pour choisir leurs nouveaux dirigeants. L’engouement était au zénith. Vieux et jeunes, étaient très nombreux à s’acquitter de leur devoir civique. Très tôt matin du 30 Décembre, vers 5h du matin, des colonnes de personnes dans la rue, étaient visibles. Cette jeunesse longtemps délaissée a montré à la face du Monde, qu’elle était déterminée à changer les gouvernants insoucieux de son avenir. Ces jeunes toujours à l’avant-garde dans des manifestations souvent réprimées violement, ont trouvé une occasion de dégager les médiocres, comme aime bien le dire Laurent Monsengwo, ancien archevêque de Kinshasa en République Démocratique du Congo, RDC. (Cover Picture Credit:Bloomberg via Getty Images)
La jeunesse congolaise s’est mobilisée à fonds dans le processus électoral
La jeunesse congolaise a été à la première ligne dans toutes les revendications non violentes pour exiger l’alternance politique en RDC. Elle était visible dans les rues, dans les médias traditionnels et dans les réseaux sociaux pour faire passer des messages de sensibilisation et d’éveil de conscience. Grace à cette mobilisation, la RDC a un nouveau président élu issu de l’opposition, une première en Afrique centrale où un président en exercice qui organise les élections les perde. A part le président, des députés élus sont majoritairement des jeunes. Ces jeunes députés, ont été élus grâce à une prise de conscience de la jeunesse, qui a accepté de voter leurs pairs. Ils ont compris qu’une voix compte pour changer les anciens dirigeants népotistes.
Michel Bengana, jeune chroniqueur à Virunga Business Radio est de cet avis. Ce jeunede 22 ans originaire de la province du Nord-Kivu dans la ville de Goma, a voté pour la première fois. Il était convaincu de ce que son geste allait changer le vécu de tous les jeunes congolais. « C’est pour moi la première fois que je vote. Je suis très content. Je demande à tous les jeunes d’aller voter pour de nouveaux dirigeants car les anciens ont échoué », affirma-t-il.
Dépôt de candidatures, un engouement des jeunes
Durant les premières rencontres que la campagne Jeunes Nous Pouvons[1] a eue avec les jeunes, les émissions de débats radios et des petits messages de sensibilisations, bon nombre d’entre eux ont obligé leurs chefs des partis politiques à lesaligner comme candidats députés nationaux ou provinciaux. Chose qui était jadis impossible car l’expérience des années 2006 et 2011 montrent que les jeunes étaient juste utilisé comme des portes drapeaux dans leurs formations politiques. Ce mythe selon lequel la jeunesse est l’espoir de demain a été rompu en montrant que la jeunesse, c’est plutôt la force du présent.
Les réseaux sociaux, un allié incontournable et redoutable.
L’internet, fut un allié non négligeable dans la mobilisation. Bien que le taux de pénétration internet soit encore faible en RDC, estimé à 6% de la population active, ce fut un puissant outil de sensibilisation des jeunes pendant la période électorale. Des affiches véhiculant des messages citoyens ont ainsi été disséminés sur les réseaux sociaux les plus populaires (Facebook, WhatsApp et Twitter).
Avec la facilité des partages, ces messages ont un effet viral qui a accru l’engagement des jeunes congolais. C’est par exemple le cas du jeune Héritier Lulendja, du Territorie de Fizi dans le Sud Kivu, qui a pris l’initiative de commencer les sensibilisations sur terrain sans avoir vu les membres de la campagne. Même chose dans la ville de Goma à l’Est de la RDC, où des jeunes ont pris aussi l’initiative d’implanter la campagne dans différents quartiers. « Nous avons pensé créer des noyaux de la campagne ‘Jeune Nous Pouvons’ pour plus d’engagement des jeunes de Goma » a affirmé Hervé, un jeune du mouvement Filimbi.
Si les réseaux sociaux ont aidé les jeunes candidats à atteindre plus d’électeurs, ils ont par ailleurs contribué à l’échec de certains anciens députés et ou ministres. Par exemple, l’ancien ministre du Plan, qui a mobilisé d’importantes ressources financières pour sa campagne, organisant même des concerts gratuits dans sa circonscription électorale ; mais cela ne l’empêcha point de perdre les élections. En effet, les jeunes se servirent des réseaux sociaux pour dénoncer cette pratique corruptive et son manque de responsabilité politique depuis plus de 30 ans. On l’accusa d’être népotiste, ce que les jeunes congolais dénoncèrent et plaidèrent pour l’égalité de chance pour toute la population en cas d’emploi.
Des jeunes votés massivement
Les jeunes congolais ne sont pas souvent ce dont onpense d’eux. Face à leur destin, les jeunes congolais ont su se mettre débout pour impacter le changement au pays. Grace à cette détermination, beaucoup d’entre eux ont été élu. D’ailleurs deuxsiègent actuellement au bureau provisoire de l’Assemblée Nationale. Plusieurs autres jeunes ont été élu sur toute l’entendue de la RDC. Il y a parmi euxdes jeunes footballeurs, des jeunes artistes et musiciens engagés.
Bien que des jeunes ont été élus, une question persiste : faut-il croiser les bras après-élection ?Evidemment pas ! Il faut continuer à lutter pour imposer le changement voulu et tant attendu. C’est possible, les jeunes peuvent y arriver, juste avec un peu de détermination et de stratégie. Si les jeunes ont pu imposer le vote de leurs concitoyens, ils peuvent aussi influencer le changement dans la communauté.
De la nécessité de pérenniser les acquis
Avec nos sensibilisations en collaboration avec d’autres organisations qui luttaient aussi pour le rajeunissement de la classe politique, nous avons contribué au renouvellement d’au moins 80% de la classe politique. Pour la province du sud Kivu par exemple, sur 36 anciens députés, seul quatre ont été réélus, soit une moyenne de 1,44% et sur 32 députés nationaux du Sud-Kivu, seuls 7 étaient réélus, soit 2,24%. Dans la ville province de Kinshasa, sur 55 anciens députés élus, seul 15 sont revenus, soit 8,25%. Après ce changement, il importe que nous soyons aux aguets pour imposer un vrai changement. Pour la province du Nord Kivu, sur 30 députés, 3 sont revenus à l’hémicycle provincial.
Cette phase des élections présidentielles, législatives nationales et provinciales étant passée, il est important que nous exigions à nos élus de travailler pour l’intérêt de la communauté. Cette phrase ne cesse de revenir sur les lèvres de nombreux jeunes congolais.
« Il est temps d’aider les nouveaux dirigeants à consolider la démocratie. La jeunesse doit alors cesser d’être observatrice, elle doit être partie pérennante à la gestion de la chose publique. Nous devons faire des critiques, oui mais des critiques constructives et innovantes en proposant des pistes de solutions. Nous voulons vraiment que nos élus actuels en majorité des jeunes, votent des lois qui rentrent dans le cadre du changement au pays. Que des jeunes qui seront nommés en plus dans des institutions travaillent avec professionnalisme pour faire la différence », fait savoir Maitre Pascal Mupenda, Directeur de Partenariat pour la Protection Intégrée (PPI), une des organisations impliquées dans la campagne Jeunes Nous Pouvons.
La jeunesse, est une force, il est temps qu’elle soit impliquée dans la gestion du pays en apportant chacun sa contribution à l’émergence d’un Congo où les habitants ont tous les mêmes droits. Cet engagement réciproque entre dirigeants et dirigés, est une potion magique pour éviter les échauffourées qui ont émaillées la république sous le règne de Joseph Kabila.
[1]La campagne Jeunes Nous Pouvons est une initiative de cinq organisations de la société civile de la République Démocratique du Congo en partenariat avec Innovation For Change. Elle a pour mission l’engagement des jeunes dans le processus électoral mais aussi à stimuler la lutte pour l’accès aux postes de prise de décisions.