Communiqué de presse : Déclaration sur les développements politiques et sécuritaires actuels au Sénégal

Communiqué de presse : Déclaration sur les développements politiques et sécuritaires actuels au Sénégal

L’ESPACE CIVIQUE EST SOUS MENACE !

Déclaration sur la situation politique et sécuritaire encours au Sénégal

Mardi 06 juin 2023

Nous, organisations de la société civile d’Afrique de l’Ouest listées ci-dessous, notons avec une profonde préoccupation l’évolution de la situation politique et sécuritaire au Sénégal, à la suite du verdict rendu contre le leader de l’opposition du parti des Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF), Ousmane Sonko, condamné à deux ans de prison pour “corruption de la jeunesse” le 01 juin 2023.

Les scènes de violents affrontements en cours entre les manifestants et les forces de sécurité, ainsi que les nombreux et regrettables civils tués que nous avons constatés ces derniers jours, sont non seulement préoccupants, mais mettent également en évidence les risques que la crise politique actuelle représente pour la démocratie sénégalaise et pour la paix et la stabilité dans toute la sous-région de l’Afrique de l’Ouest.

Nous sommes alarmés par les répressions croissantes répétées à l’encontre des dissidents et des manifestants par les forces de l’ordre au Sénégal, alors que le pays se rapproche de ses élections présidentielles prévues en février 2024.

Nous notons en particulier que les réponses musclées des forces de l’ordre, y compris l’usage disproportionné de la force, les restrictions numériques imposées par l’État, entre autres, constituent une violation flagrante des droits fondamentaux de l’homme et sont incompatibles avec les engagements démocratiques consacrés dans la Constitution sénégalaise et les autres normes et cadres internationaux auxquels le Sénégal adhère, notamment la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’homme et les résolutions 22/6, 27/5 et 27/31 du Conseil des droits de l’homme, ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Nous sommes en outre préoccupés par le fait que la crise politique actuelle est susceptible de faire reculer les acquis démocratiques engrangés par le Sénégal au fil des ans.

Nous notons également que les poursuites pénales successives à l’encontre de M. Sonko au cours des derniers mois ont non seulement mis à l’épreuve la résilience de la démocratie sénégalaise de longue date, mais menacent également de compromettre le rôle stratégique qu’il joue dans le maintien de la stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest.

Nous notons en particulier que la crise politique actuelle est alimentée par des perceptions de harcèlement et de persécution des opposants politiques, ainsi que par des préoccupations selon lesquelles le président Macky Sall envisagerait de se présenter pour un troisième mandat présidentiel après la fin de son mandat constitutionnel en 2024. Malheureusement, bien que la Constitution du Sénégal ait consacré une limite maximale de deux mandats présidentiels, le président Macky Sall n’a jusqu’à présent pas démenti les rumeurs selon lesquelles il envisagerait de se présenter pour un troisième mandat.

Malgré cela, nous sommes encouragés par les appels au dialogue national lancés par les différents acteurs politiques, y compris le président Macky Sall et plusieurs partis d’opposition. Nous croyons qu’un dialogue national constructif avec toutes les parties prenantes – gouvernement en place, partis politiques, société civile, etc. – constitue une première étape pour rétablir la normalité au Sénégal et garantir le respect de l’État de droit et des libertés fondamentales.

Nous exprimons notre solidarité envers le peuple sénégalais et tous ceux qui se battent pour le respect des droits et des libertés, le respect de l’État de droit ainsi qu’un Sénégal meilleur et plus démocratique. Nos pensées et nos condoléances vont aux victimes, à leurs familles et au
peuple sénégalais en cette période de crise. Nous réitérons notre confiance en une réponse pacifique et démocratique à la crise, qui constitue la meilleure voie pour la résoudre et pour protéger les vies et les libertés individuelles.

Nous appelons donc à des actions immédiates de la part des acteurs suivants :

1- L’administration du président Macky Sall devrait :

i. Respecter les droits constitutionnellement garantis des citoyens à la liberté d’expression et de réunion.

ii. Mettre en place les mesures de sauvegarde et les procédures appropriées pour garantir le respect des droits de l’homme et de l’état de droit, la protection des journalistes et de la société civile, ainsi que pour contrôler les excès des forces de sécurité dans leurs tentatives de rétablir le calme.

iii. Créer des espaces sécurisés et inclusifs de dialogue en tant que voie pour rétablir le Sénégal dans sa position antérieure de bastion d’une démocratie stable en Afrique de l’Ouest.

iv. Restaurer immédiatement les droits numériques des citoyens en levant les restrictions d’accès à Internet et aux plateformes de médias sociaux, y compris Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram, YouTube, Telegram, entre autres.

v. Réaffirmer l’engagement de l’administration à respecter les engagements internationaux pertinents du Sénégal, y compris la Déclaration de Lomé de juillet 2000 sur le cadre de la réponse de l’OUA aux changements inconstitutionnels de gouvernement (AHG/Decl.5 (XXXVI)), la Déclaration de l’OUA/UA de 2002 sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance de 2007, qui interdisent toutes les actions, y compris toute modification ou révision de la constitution ou des instruments juridiques, constituant “une violation des principes du changement démocratique de gouvernement”.

vi. Faire preuve d’un leadership démocratique et d’un esprit d’État en confirmant le respect par le président de la limite présidentielle de deux mandats, prévue par la constitution, et en dissipant clairement les suspicions d’un troisième mandat.

vii. Respecter le droit à la liberté et à la liberté de mouvement d’Ousmane Sonko en levant immédiatement les restrictions qui lui sont imposées et en lui permettant de participer librement au processus politique.

viii. Le gouvernement du Sénégal devrait mener une enquête approfondie et indépendante sur les allégations de violations des droits de l’homme lors des manifestations, tenir les responsables pour compte et accorder des réparations aux victimes et à leurs familles.

2- La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA), les Nations Unies (ONU) et la communauté internationale devraient :

i. Engager activement le gouvernement et le peuple sénégalais – y compris la société civile en cette période difficile pour trouver une solution durable à la crise politique et sécuritaire ;

ii. Accélérer la finalisation du Protocole révisé sur la démocratie et la bonne gouvernance et interdire particulièrement le troisième mandat pour les États membres ;

iii. Agir rapidement pour condamner la détérioration des développements politiques et sécuritaires au Sénégal, et surtout mettre l’accent sur le président Macky Sall pour qu’il réaffirme son engagement envers la limite de deux mandats prévus par la constitution ;

3- Nous appelons tous les partis politiques et les groupes de la société civile au Sénégal (et dans toute la région) à soutenir un dialogue inclusif et à redoubler leur engagement envers les idéaux de la démocratie et du constitutionnalisme en se solidarisant avec le peuple sénégalais pour un État pacifique et démocratique.

Signé par :

  • • Abiodun Essiet Initiative for Girls, Nigeria
    • ACDHRS
    • Aspilos Foundation, Nigeria
    • Africa Media Development Foundation (AMDF)
    • Alliances for Africa
    • Africa Center for Information and Development (ACID), Norway
    • AFRICTIVISTES
    • Bailo Citoyen, Burkina Faso
    • BAOBAB for Women’s Human Rights (BAOBAB) Nigeria
    • Campaign for Good Governance (CGG) Sierra Leone
    • Cedar Seed Foundation, Nigeria
    • Center for Research and Policy Development, Nigeria
    • Centre for Democracy and Good Governance (CDD) Ghana
    • Civil Society Legislative Advocacy Centre (CISLAC), Nigeria
    • CLEEN Foundation, Nigeria
    • Community Focus Foundation, Ghana
    • Democracy Hub, Ghana
    • Democratic Accountability Lab, Ghana
    • Fix The Country, Ghana.
    • Foundation for Security and Development in Africa (FOSDA)
    • Gender Mobile, Nigeria
    • Ghana Anti-Corruption Coalition (GACC)
    • Human Rights Reporters Ghana-NGO (HRRG)
    • Initiative for Research, Innovation and Advocacy in Development, Nigeria
    • INCRESE Nigeria
    • Institute for Governance Reform (IGR) Sierra Leone
    • Kebekatche Women Development & Resource Centre, Nigeria
    • Media Advocacy West Africa Foundation (MAWA – Foundation)
    • Moremi Initiative, Nigeria
    • Nyang-Sanneh Institute for Social Research and Justice (NSI)
    • Naymote Partners for Democratic Development (NAYMOTE), Liberia
    • Network of Women with Disabilities, Nigeria
    • Paradigm Initiative Nigeria (PIN)
    • Patients Friend Foundation – PFF Ghana
    • Renel Ghana Foundation
    • Rule of Law and Accountability Advocacy Centre- RULAAC; Lagos, Nigeria
    • Sahel Activistes Senegal
    Social Watch Benin
    • Strategic Thinkers Network – Africa
    • The Electoral Hub, Nigeria
    • Nigeria Network of NGOs (NNNGO)
    • The Network of Non-Governmental Organisations (TANGO), the Gambia
    • Transition Monitoring Group, (TMG) Nigeria
    • West Africa Civic Space Resource Hub (CSR-Hub)
    • West Africa Civil Society Institute (WACSI)
    • West Africa Democracy Solidarity Network (WADEMOS)
    • West Africa Drug Policy Network (WADPN)
    • West African Youth for Peace Network
    • Women Advocates’ Research and Documentation Center (WARDC)
    • Women in Law & Development in Africa (WILDAF)

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